
Septième jour : Natitingou-Ouagadougou Je suis dans la voiture des Nigériennes. Heidi, l'Allemande, conduit. Rahama dit: - J'aime les Allemands. Ils ont fait beaucoup pour nous au Niger. Fanta dit : - Regarde; c'est un Peuhl. Il garde des vaches, des zébus. - Comment tu l'as reconnu? - A ses traits. Il est fin et grand. Heidi parle du Petit Prince de Saint-Exupéry. Elle dit: - Comment s'appelle l'arbre qui est décrit dedans? - Un baobab, je crois. - Comment s'appellent les fruits? - Des pains de singe; ça se mange. Rahama dit : - Les feuilles de baobab sont très bonnes; on en fait des sauces. Elles contiennent du fer. - Le pain de singe a quel goût? - C'est acide et un peu sucré. Un oiseau blanc passe. Fanta dit : - C'est un pic-boeuf. - Tu es déjà allée en France? - Je connais Paris par coeur. J'ai visité tous les musées. Je connais Lyon, Dijon, l'Auvergne. Elle trouve Le Havre triste. Elle dit : -Tu aimes Edith Piaf? Elle entonne : « Ils sont arrivés, se tenant par la main, l'air émerveillé, vers d'autres matins. Remplis de soleil, on les a retrouvés, etc. » - A droite, c'est un tamarinier. On fait avec de la confiture de tamarin. Je dis : - J'aime la végétation en Afrique; il y a plein d'arbres que nous n'avons pas. Fanta éclate de rire. Elle dit : - Nous n'avons pas d'orties, chez nous. Un jour en France, je suis sortie de la voiture pour aller faire pipi dans la campagne. Je me suis relevée les fesses en feu. En Afrique c'est la peau d'igname' qui pique et celle des oignons sauvages. Je mets un foulard autour de ma bouche pour me protéger de la poussière. Rahama dit : Tu ressembles à une Hadja. -C'est quoi? - Une femme qui a fait son pèlerinage. Les cinq piliers de l'islam sont : 1. La foi. 2. La prière. 3. Le pèlerinage à La Mecque si on en a les moyens. 4. L'aumône. 5. Le carême. A un arrêt, je dis : - Où est-on? Delphine répond : - Depuis que tu es entrée en contact avec le sable et la latérite, tu es au Burkina, ma fille. A Compienga, des dizaines de gamines dansent en plein soleil devant les militaires montant la garde en mitraillettes. Des hommes s'agitent en face sous un ibiscus. Ils ont des ceinturons avec des lanières de cuir où sont enfilées des capsules de bière trouées. Le raid est un événement, partout où nous passons. Je parle avec Eugène affecté à la douane parachutiste. I1 dit : - Le 6 août 1983, le capitaine Thomas Sankara a pris le pouvoir; la Haute-Volta a changé de nom. Maintenant c'est le Burkina Faso. Plus loin, je plante un arbre, un manguier. Un responsable énonce les trois principes du Burkina vert : l. Lutte contre la désertification 2. Lutte contre la coupe abusive des arbres 3. Lutte contre les feux de brousse. Couper un arbre est passible de prison. La devise du pays est : « La Patrie ou la Mort, nous vaincrons. » A Pama, nous stoppons dans un campement populaire où l'on vient giboyer. Le village est jumelé avec une commune de Haute-Savoie. Le préfet dit : - Dans quinze jours, nous envoyons une délégation. - Ils vont faire du ski ? Le Burkina a sept millions d'habitants. C'est grand comme la moitié de la France. Je demande à Delphine : -Tu as été excisée? - Oui. Je monte dans la voiture des gendarmes. Celui qui conduit s'appelle Désiré. A droite, c'est Guiré. Il est contre la polygamie : - Pour le fils qui n'est pas celui de la favorite, cela crée des rapports très durs avec le père. Nous rencontrons les motards féminins du Président Sankara. Elles sont quinze. Elles ont fait un stage de plusieurs mois pour apprendre le maniement de la moto qui pèse trois cents kilos. Une des filles dit: - On avait les mains en sang. Mais on voulait y arriver. A Ouagadougou, les officiels en rang chantent l'hymne national : « Contre la férule humiliante I1 y a déjà mille ans La rapacité venue de loin Les asservit il y a cent ans Contre la cynique malice métamorphosée En néo-colonialisme beaucoup flanchèrent Et certains résistèrent Mais les échecs, les succès La sueur et le sang ont fortifié notre peuple courageux. » La lune est ronde. Le ciel est partout le ciel. En Afrique, il est plus grand. |